martes, 13 de junio de 2023

 

Victor Hugo

 

Dos poemas

a su hija Léopoldine (1824-1843)

en el último número de la revista Fénix

 

Versiones de Alejandro Bekes

 

 


 

 

 

I. Mañana, al alba...

 

Mañana, al alba, blancos los campos en la aurora,

partiré. Ya lo ves, sé bien que tú me esperas.

Andaré por los bosques, por montañas austeras.

Lejos de ti no puedo estar ya ni una hora.

 

Andaré, pensativo, fija en mí la mirada,

sin ver nada ni oír lo que afuera murmura,

solo, oscuro, encorvado, con las manos cruzadas,

triste, y para mí el día será la noche oscura.

 

No miraré ni el oro que la tarde derrumba

ni hacia Harfleur los veleros de lejano temblor.

Y cuando haya llegado, pondré sobre tu tumba

ramos de acebo verde y de brezos en flor.

 

[Las contemplaciones, Libro IV, XIV]

 

*

 

Demain, dès l’aube...

 

Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne,

Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends.

J’irai par la forêt, j’irai par la montagne.

Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

 

Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,

Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,

Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,

Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

 

Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe,

Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,

Et quand j’arriverai, je mettrai sur ta tombe

Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.

 

[Les contemplations, Livre IV, XIV]


 


 

 

II. Cuando vivíamos unidos

 

Cuando vivíamos unidos

en las colinas de otro tiempo, donde

el agua fluye y el arbusto tiembla,

en la casa que linda con los bosques,

 

tenía ella diez años y yo treinta;

yo era para ella el universo.

¡Ah, cómo huele allí la hierba

bajo los verdes árboles inmensos!

 

Ella hacía próspera mi suerte,

ligera mi labor, azul mi cielo.

Cuando ella me decía: “Padre mío”,

todo de Dios se me llenaba el pecho.

 

A través de mis sueños sin medida

yo la escuchaba, alegre, hablar

y mi frente en la sombra se alumbraba

bajo la luz de su mirar.

 

Tenía el andar de una princesa

cuando yo la llevaba de la mano.

Buscaba sin cesar las flores

y sin cesar los pobres a su paso.

 

Solía dar como quien roba,

a los ojos de todos escondida.

Oh, aquella ropa tan modesta

que ella llevaba, ¿quién la olvidaría?

 

De noche, al lado de mi vela,

ella en sigilo murmuraba,

mientras a la ventana enrojecida

mariposas nocturnas se agolpaban.

 

Los ángeles en ella se miraban.

¡Qué deliciosa daba su buen día!

El cielo en las pupilas le había puesto

esa mirada que jamás mentía.

 

¡Oh, tan joven aún, en mi destino

yo la había visto aparecer!

¡Era la hija de mi aurora,

la estrella de mi amanecer!

 

Cuando la luna pura y clara

alumbraba las dulces estaciones,

¡cómo andábamos por el llano

y corríamos por los bosques!

 

Después, hacia la luz aislada

que señalaba nuestro hogar oscuro

volvíamos andando por el valle,

tras doblar el rincón del viejo muro.

 

Volvíamos hablando, deslumbrados,

del cielo y su magnífico dosel.

Yo componía esa joven alma

como la abeja hace su miel.

 

Siempre al llegar traía ella alegría,

ángel dulce de claro pensamiento…

¡Todas estas cosas pasaron

como la sombra y como el viento!

 

[Las contemplaciones, Libro IV, VI]

 

*

 

Quand nous habitions tous ensemble

 

Quand nous habitions tous ensemble

Sur nos collines d'autrefois,

Où l'eau court, où le buisson tremble,

Dans la maison qui touche aux bois,

 

Elle avait dix ans, et moi trente ;

J'étais pour elle l'univers.

Oh! comme l'herbe est odorante

Sous les arbres profonds et verts !

 

Elle faisait mon sort prospère,

Mon travail léger, mon ciel bleu.

Lorsqu'elle me disait: Mon père,

Tout mon cœur s'écriait : Mon Dieu !

 

À travers mes songes sans nombre,

J'écoutais son parler joyeux,

Et mon front s'éclairait dans l'ombre

À la lumière de ses yeux.

 

Elle avait l'air d'une princesse

Quand je la tenais par la main.

Elle cherchait des fleurs sans cesse

Et des pauvres dans le chemin.

 

Elle donnait comme on dérobe,

En se cachant aux yeux de tous.

Oh ! la belle petite robe

Qu'elle avait, vous rappelez-vous ?

 

Le soir, auprès de ma bougie,

Elle jasait à petit bruit,

Tandis qu'à la vitre rougie

Heurtaient les papillons de nuit.

 

Les anges se miraient en elle.

Que son bonjour était charmant !

Le ciel mettait dans sa prunelle

Ce regard qui jamais ne ment.

 

Oh! je l'avais, si jeune encore,

Vue apparaître en mon destin !

C'était l'enfant de mon aurore,

Et mon étoile du matin !

 

Quand la lune claire et sereine

Brillait aux cieux, dans ces beaux mois,

Comme nous allions dans la plaine !

Comme nous courions dans les bois !

 

Puis, vers la lumière isolée

Étoilant le logis obscur,

Nous revenions par la vallée

En tournant le coin du vieux mur ;

 

Nous revenions, cœurs pleins de flamme,

En parlant des splendeurs du ciel.

Je composais cette jeune âme

Comme l'abeille fait son miel.

 

Doux ange aux candides pensées,

Elle était gaie en arrivant... -

Toutes ces choses sont passées

Comme l'ombre et comme le vent !

 

[Les contemplations, Livre IV, VI]

 

Victor Hugo

 

 

Otros poemas de Victor Hugo,

en edición bilingüe, traducidos

y prologados por Alejandro Bekes,

en: “Fénix” N° 30, Año XXV,

Editorial Brujas, Córdoba, 2022.

 

[Para solicitar su envío a domicilio:

https://www.editorialbrujas.com.ar/home]





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